Estrategia Internacional N° 17
Abril 2001

Trotsky, la question de l'Assemblée Constituante et le Lorisme.

Durant les mois antérieurs à septembre 2000, la discussion de l'Assemblée Constituante n'était pas sortie des cercles intellectuels ou de ceux qui voyaient un affaiblissement structurel du régime démocratique et qui cherchaient comment remettre à flot le système de représentation actuel et la croyance de la population en le suffrage universel.
Cependant, les défenseurs de ces idées ont rencontré une adhésion massive à ses digressions démocratiques. Durant le mois de septembre la Coordination de l'Eau et de la Vie de Cochabamba faisait voter à des milliers de personnes la nécessite de la chute du gouvernement de Banzer et la convocation à une Assemblée Constituante. Paradoxalement, ceux qui furent les plus surpris par cette situation furent ceux qui, durant des décennies, ne se sont pas lassés de répéter que les illusions démocratiques formelles avaient été "éradiquées" de Bolivie: les Loristes.
Après les évènements de septembre où la clé des discussions des organisations ouvrières et populaires était la discussion d'une Assemblée Constituante, ce groupe, loin de tenter de penser le pourquoi de cette demande et de l'analyser en fonction des expériences révolutionnaires de ce siècle est arrivé à la conclusion qu'il "fallait dire quelque chose". Ainsi, la seule réponse qu'ils furent capables de donner pour faire face à la situation fut la consigne d'Assemblée Populaire par opposition à l'Assemblée Constituante.
Cependant, la réalité est beaucoup plus forte que n'importe quel schéma mental d'un individu ou d'un groupe pour autant combatif qu'il soit. Durant les 15 dernières années, le régime démocratique bourgeois a pu maintenir sa stabilité en grande partie grâce à la passivité et la confiance des masses paysannes dans les institutions basées sur la participation de nombreuses ONG, sur le plan de participation populaire et sur diverses concessions faites aux mouvements indigènes et paysans au niveau culturel, constitutionnels et juridiques. Fin des années 90, quelqu'un a dit, très à propos, que le néolibéralisme était entré en Bolivie habillé de sandales et d'un poncho et avec le nom de Cardenas.
Quand les grandes masses paysans entrent sur la scène politique, durant les évènements de septembre, elles le font avec le désir démocratique profond de réussir à faire respecter la volonté de la majorité. Le concept de démocratie basé sur le nombre ou la majorité est un concept totalement formel et c'est à partir de cette vision des choses qu'il acquiert toute sa force. Les niveaux d'abstention électorale des années antérieures, loin de refléter une conscience antidémocratique, comme le pensent les Loristes, exprime une confiance passive des masses en la démocratie ou tout au plus un certain scepticisme. On peut affirmer, sans peur de se tromper, qu'après les évènements d'avril et de septembre qui ont ouvert une situation pré révolutionnaire dans notre pays que la participation aux prochaines élections va augmenter malgré la profonde crise du régime parlementaire.
C'est la compréhension de cette situation qui a amené à Lenin et à Trotsky à lutter pour les consignes démocratico-formelles et ce, non seulement dans les pays semi coloniaux sans tradition parlementaire comme en Russie en 1917, en Chine de 1927 à 1929, mais aussi dans les pays avec une longue tradition comme en France en 1934 (voir Programme D'action pour la France 1934 Léon Trotsky).
La Troisième Internationale de Lenin et Trotsky et plus tard l'Opposition trotskiste et la Quatrième Internationale comprirent que la lutte des masses pour la satisfaction des tâches démocratique formelles pouvait avancer jusqu'à la création d'organismes de pouvoir ainsi qu'à l'armement indépendant des travailleurs des campagnes et des villes, dépassant de cette manière la revendication d'Assemblée Constituante par la construction d'un Etat supérieur. De cette manière, la défense des révolutionnaires de ces demandes permettait de démasquer le caractère réformiste et tiède des directions petit-bourgeois des villes et des campagnes qui se refusaient à organiser une lutte sérieuse et qui avaient entièrement confiance dans les institutions du régime.

Le Lorisme, en abandonnant ces enseignements, termine par capituler et se rendre complice non seulement d'Oscar Olivera ou de Costa Obregon, mais est incapable de dénoncer le caractère réformiste de ces individus qui s'appuient sur les illusions démocratiques de la population. Il est profondément stérile de croire que les secteurs ouvriers et paysans qui ne pensent pas encore à une Révolution Socialiste et qui ont déposé toutes leurs espérances d'un changement social dans l'Assemblée Constituante, se lancent dans la lutte seulement grâce à la propagande loriste pour une Assemblée Populaire absolument diffuse.
Cette stérilité se transforme en infantilisme révolutionnaire car lever la consigne d'Assemblée Populaire en ce moment précis c'est tourné le dos à d'importants secteurs du mouvement de masse et ignoré les concrètes et réelles formes d'organisations dont se dotent les masses comme fut la forme d'organisation pré soviétique de la Coordination de l'eau et de la vie de Cochabamba.